RESTITUTION DES BIENS CULTURELS :

LE CAMEROUN VERS UNE DIPLOMATIE AVEC LA SOCIETE CIVILE

de Bangoua Legrand Tchatchouang

« Ma nomination au poste de Représentant de la société civile au sein du comité interministériel chargé du rapatriement des biens culturels, membre de la commission diplomatie et négociations est vu par de nombreux acteurs impliqués dans le processus comme, un défi historique et éthique envers les communautés d’origines, victimes d’injustices coloniales, qui souhaitent vivement que leurs voix soient portées au sein des instances de décisions politiques nationales et internationales. »

La question de la restitution des biens culturels occupe une place importante dans l’actualité politique et culturelle allemande. Le sujet passionne par la multitude des problématiques qu’elle entraine mais aussi par la diversité des enjeux politiques, historiques, diplomatiques, économiques et spirituels qui le compose. 

Le gouvernement fédéral à travers la charte du 13 Mars 2019 entre la Ministre auprès du Chancelier en charge de la culture et des médias, la Vice-Ministre chargée de la politique culturelle internationale au Ministère des Affaires étrangères, les Ministres de la Culture des Landers et les associations communales assument la responsabilité historique découlant du colonialisme allemand, ainsi que la responsabilité résultant des actes marques par la pensée coloniale. Ils souhaitent travailler en étroite collaboration avec les États, les communautés d’origines, et les organisations de la société civile.

C'est au Ministère Fédéral des Affaires étrangères que le Comité interministériel chargé du rapatriement des biens culturels a entamé en Octobre 2022, les premières discussions sur la restitution des biens culturels issus de contextes coloniaux en Allemagne. Les différentes missions et séjours en Allemagne nous ont conduit dans les musées de Berlin, Mannheim,  Brême, Stuttgart, Munich, Hambourg, Hanovre, Braunschwick, Cologne, Francfort, Leipzig… pour divers ateliers, colloques, tables-rondes, entretiens avec des directeurs de musées, les représentants du monde politique, de la recherche et de la sphère économique. Les directeurs de musées et les conservateurs ont gracieusement accepté de participer aux entretiens et de partager leurs données, informations, et perspectives pour nous aider à comprendre l´environnement muséal allemand, et les défis qu´ils font face dans le contexte de la restitution. De ces échanges approfondis avec les acteurs impliqués, émergent des propositions qui ont été formulées aux pouvoirs publics et aux gouvernements dans le but de renforcer le dialogue avec les musées allemands. 

Des liens de confiance et de dialogue se sont construits ces dernières années. Les professionnels des musées apprennent et adaptent progressivement leur pratique de manière pertinente, plus respectueuse et mutuellement enrichissante. Au-delà de la simple identification des objets et leur provenance, nous explorons conjointement les archives, collectionnons et confrontons des données disparates. Nous contribuons ainsi à fusionner, diversifier et enrichir les récits, à remémorer les savoirs des communautés d’origines, promouvoir la multiplicité des manières de penser et de faire, favorisant ainsi la co-construction des savoirs et la négociation du futur des collections coloniales.

Aussi, ma nomination au poste de représentant de la société civile au sein du comité interministériel, membre de la commission recherche de provenance, Diplomatie et Négociations est, vu par de nombreux acteurs impliqués comme un geste symbolique important, un défi historique et éthique envers les communautés d’origines, victimes d’injustices coloniales, qui souhaitent vivement que leurs voix soient portées au sein des instances de décisions politiques nationales et internationales.

Cette volonté du gouvernement de travailler avec la société civile, et qui marque de sa forte empreinte le débat sur la restitution des biens culturels en apportant une pluralité de voix et d’approches enrichissant le débat et les solutions proposées a inspiré aux musées et aux institutions culturelles une nouvelle dynamique revalorisant les compétences et le professionnalisme des acteurs de la société civile engagés dans la valorisation du patrimoine.

Cette collaboration avec les professionnels des communautés d´origines est soulignée comme un élément important et devrait contribuer à la décolonisation des musées à différents niveaux : au niveau de recherche, de la médiation et de la gestion des collections.

La Fondation du patrimoine culturel prussien, organisme du gouvernement fédéral chargée de préserver et d’entretenir les biens culturels de l’ancien Etat de Prusse a créé en octobre 2023 un poste de Conseiller pour le Cameroun pour les questions de restitution au Musée ethnologique à Humboldt Forum. L’une de nos missions dans ce haut de dialogue des cultures et de coopération avec les pays du Sud est de faciliter les visites d’échanges des représentants de communautés, des experts, des élèves et l’accès aux collections des contextes coloniaux.

Au cours des discussions et des ateliers avec les  responsables de musées et les institutions politiques culturelles, nous sommes arrivés à plusieurs reprises à la conclusion qu'il est important de mettre en réseau les musées détenant des biens culturels camerounais afin de développer en collaboration avec le gouvernement du Cameroun, les communautés et les organisations de la société civile, des solutions aux défis et aux enjeux de la restitution.

Ce dialogue Cameroun- Allemagne pensée depuis le Musée ethnologie à Humboldt forum en septembre 2022 offre aujourd’hui un cadre d’échanges qui permet d’évoquer sans complexe ni passion et de façon globale et conjuguée, les questions administratives, juridiques, techniques, logistiques et financières liées au processus de la restitution.